Première étape : Normandie – Espagne
Je suis arrivée en terre espagnole au mois de février 2014. Ca allait être une très bonne année côté météorologique, mais je ne le savais pas encore et ne risquais pas de m’en douter : au passage de la frontière, il pleuvait des cordes.
Vivre en Espagne me faisait rêver bien sûr, mais quand il s’est agi de commencer à remplir la voiture, j’avais heureusement pour me soutenir une bonne motivation : j’étais dans une impasse totale en France. Jugez par vous-même. Il y avait eu par exemple cette dame du RSI qui voulait absolument savoir si j’étais mariée. Son ordinateur lui posait la question et moi je n’avais pas envie de lui répondre. Ni pour autant de me faire traiter de ‘demoiselle’ puisque c’était de ce qualitificatif que son ordinateur voulait absolument m’affubler par défaut. Voici une lettre que j’ai écrit au RSI à ce propos et qui illustre bien l’impasse dans laquelle je me trouvais.
Lettre au RSI
Je suis donc partie …
La couleur de l’herbe
Il y a trente ans de cela heureusement, j’avais ingurgité deux années de cours d’espagnol à l’école. C’était déjà ça, bien qu’évidemment entre l’école et la pratique … Le tout premier mot par exemple que je n’avais pas appris à l’école et dont j’aurais vraiment eu besoin en arrivant en Espagne, c’était gasolinera. Ce mot signifie ‘station-service’ comme vous l’aurez certainement deviné et il m’aurait été très utile parce que par ailleurs je pensais que ‘voiture’ se disait caro (alors qu’en fait caro veut dire ‘cher’, le contraire de ‘pas cher’).
Enfin bon, j’étais arrivée et malgré la pluie, le changement de décor était certain : il y a des palmiers en Espagne ! L’herbe des pelouses, je la préfère en Normandie, c’est sûr ; elle est plus douce et plus dense. Celle d’Espagne, quand il y en a, est plus rugueuse et quand on tire sur un brin, on risque fortement de se retrouver avec tout un serpentin dans la main.
L’herbe est plus verte en Espagne
La couleur subjective de l’herbe est par contre, je trouve, bien plus verte en Espagne. Là-bas (je devrais dire ‘ici’ en fait), les gens utilisent des expressions toutes faites qu’ils disent souvent et qui font du bien. A propos de l’administration dont je parlais un peu plus tôt par exemple, on entend souvent :
« – Demande-leur, ils sont là pour ça. Appelle-les ou vas-y, c’est leur travail, ils sont là pour t’aider. »
C’est répétitif, mais c’est pas mal, non ? Dans le même registre, il y a une expression sensée tranquilliser, mais qui je dois dire m’énerve toujours un peu, c’est poco a poco. Vous n’arrivez pas à faire un truc ? « Eh ben, poco a poco, tu vas y arriver, c’est sûr …
– Aaah ouais, ok !, mais c’est énervant quand même ! – Non, non, tu verras, poco a poco … »
Il y a aussi « No pasa nada. » (‘Ca ne fait rien’, ‘C’est rien’) qui revient très souvent.
Et je ne vous traduis pas le fameux « Tranquila, no te preocupes ! » qui m’a rassérénée plus d’une fois.
Evidemment cependant, dans cette ambiance, laisser de temps en temps échapper votre juste indignation de français-e qui connaît bien ses droits risque fort, je vous préviens tout de suite, de vous mettre dans la situation d’avoir à réconforter une personne qui ne sait pas comment s’excuser du tort qu’elle vous a causé … C’est très, très gênant, je vous assure. Restez tranquilos parce qu’ici, les gens ne sont pas du tout sur la défensive et les sourires qu’ils vous offrent sans retenue sont empreints d’une innocence qui n’est pas feinte. Vraiment.
Les formalités en Espagne et la politesse
Qu’il y ait toujours une solution aux problèmes ne veut pas pour autant dire que tout est facile, loin de là. Deux ans après mon arrivée, j’attends avec impatience mon permis de conduire espagnol. C’était la dernière démarche administrative qui pesait encore sur ma to-do liste et rien que pour ne pas refaire tout le processus en marche arrière : je suis partie vivre en Espagne, c’est bon, j’y reste maintenant ! Il faut dire que j’ai dû faire toutes mes démarches alors que justement je ne parlais ni ne comprenais pas encore bien la langue. Le pire, ça a été pour changer la plaque d’immatriculation de ma voiture. Papiers à traduire, certificats, tampons, contrôle technique, etc. Pour mon permis, ça a été beaucoup plus facile, surtout que je commençais alors à bien me débrouiller au niveau parlotte. La preuve : dernièrement, je me parlais à moi-même (eh ben oui, ça m’arrive tout le temps) en français et je me suis dit que j’allais « faire-le ». J’ai mis l’article après le verbe !
Parler espagnol … ou pas
Dans la même veine, j’arrive maintenant à dire bonjour tout d’un trait. Je dis « Hola ! » (‘Salut !’) et j'embraye sans presque aucune hésitation sur Buenos dias ou Buenas tardes. Avant je disais Hola, on me répondait Hola, buenos dias et je disais Buenos dias à mon tour, ce qui n’est pas du tout la manière de procéder. Que les autochtones me disent si je me trompe, mais je crois bien que le Hola ne sert vraiment qu’à signaler sa présence et ce qui suit est la partie importante de la salutation, là où on met toute sa politesse innée.
Bien sûr, le bonjour du matin, Buenos dias, se dit jusqu’à 14 heures. Quand on vous donne rendez-vous à une heure du matin par exemple, c’est à 13 heures que vous avez rendez-vous, ne soyez pas étonné-e.
A propos de politesse, le vouvoiement n’est de rigueur que quand on parle à des personnes très âgées, à des personnes de l’administration ou d’une entreprise comme dans les magasins par exemple. Les entreprises en retour semblent ne pas savoir comment faire. Entre respect et sympathie pour leurs clients, les entreprises utilisent en effet souvent le tutoiement et le vouvoiement alternativement ! Sur la même page web, le même dépliant, hop-là, un coup c’est ‘vous’, un coup c’est ‘tu’. Vraiment chelou.
Le mot ‘OK’, lui, je ne l’ai jamais entendu que dans ma bouche … En Espagne, c’est Vale (prononcer [bale]) qu’il faut dire et qui remplace d’ailleurs souvent gracias, moins usité j’ai l’impression que le ‘merci’ français. Sur le chemin de mon apprentissage, je suis passée par un stade intermédiaire qui consiste à dire ‘OK … euh … vale !’ Ensuite, je vous rassure, n’importe qui finit par arriver à dire Vale tout court. Poco a poco, j’y suis bien arrivée, moi !
Laisser un commentaire